Environnement favorable pour l’économie et la publicité dans la ville de Bienne/Biel

Zurich, le 24 avril 2023 – Prise de position des associations AWS Publicité extérieure Suisse, KS/CS Communication Suisse et Association suisse des annonceurs ASA concernant le règlement sur la réclame (RR) prévu par la ville de Bienne, et en particulier l’article 5 relatif à l’obligation de bilinguisme pour toutes les réclames.

(Affaire no 20150324-017 du Conseil de ville de la Ville de Bienne/Stadtrat der Stadt Biel).

 

Résumé
La Ville de Bienne envisage de réviser son règlement sur la réclame de 2002 et a présenté une révision totale composée d’un règlement sur la réclame et d’un plan d’affichage. La mise au dépôt public a eu lieu du 6 avril au 5 mai 2021. La société d’affichage APG|SGA (en tant qu’entreprise de publicité extérieure mandatée par la Ville de Bienne) et l’Association suisse des annonceurs ASA ont formulé leur opposition. Le Conseil de ville affirme dans son rapport du 8 mars 2023 que les points soulevés lors de la mise au dépôt public ont été pris en compte dans la mesure du possible. C’est l’inverse qui s’est produit ; les recours d’ASA et d’APG|SGA concernant le bilinguisme ont été ignorés.
La présente prise de position des associations en date du 24 avril 2023 concerne plus particulièrement la contrainte au bilinguisme pour toutes les réclames diffusées dans Bienne. Le nouveau règlement sur la réclame autorise exclusivement les publicités traduites en parallèle dans les langues officielles que sont l’allemand et le français. Les associations expliquent ci-après en quoi cette disposition restrictive limite le droit fondamental à la liberté de la publicité et à la liberté artistique.

La Ville de Bienne a affirmé lors de sa conférence de presse, cette semaine, qu’il n’y aurait pas de « police de la publicité » et qu’on chercherait le contact avec les entreprises qui ne suivent pas le règlement, en particulier le bilinguisme. Pourquoi la Ville veut-elle établir un règlement et un article 5 stricts sur le bilinguisme obligatoire qui ne seront ensuite pas appliqués ou seront traités arbitrairement par les autorités ?

Si le bilinguisme est bel et bien imposé, les associations s’attendent à de vastes et coûteuses répercussions pour les annonceurs locaux et nationaux, qui vont devoir transcréer deux sujets bilingues séparés spécifiques à la ville de Bienne – raison pour laquelle ils préfèreront renoncer à diffuser de la publicité extérieure dans cette ville. L’obligation de bilinguisme pour l’allemand et le français représentera une « interdiction publicitaire biennoise » unique à l’échelle internationale et aura des répercussions négatives. 

Problématique
L’obligation du bilinguisme est problématique pour les cinq raisons essentielles suivantes :

  • Premièrement, parce que les annonceurs de la ville de Bienne subiront des restrictions fondamentales du fait de ces dispositions et ne pourront pas diffuser de la publicité dans des conditions aussi ouvertes que le reste du monde.
  • Deuxièmement, le règlement sur la réclame est incompatible avec la liberté économique, la liberté de publicité, la liberté d’opinion et la liberté artistique garanties par la Constitution fédérale, et viole le principe de proportionnalité à divers égards. Cela constitue une atteinte au droit fondamental et n’est pas admissible.
  • Troisièmement, pour la majorité des annonceurs, il n’est pas judicieux de concevoir une campagne franco-allemande séparée pour la ville de Bienne. 
  • Quatrièmement, il est souvent impossible d’appliquer de manière judicieuse le bilinguisme, pour des raisons de conception et d’exigences liées à la technique publicitaire (messages brefs et frappants, jeux de mots, anglicismes, voir p. 3).
  • Cinquièmement, ces restrictions entraîneront une diminution du nombre de campagnes réalisées dans la ville de Bienne. La Ville affirme que le nouveau règlement n’aurait « pas de répercussions financières ». Les associations ne sont pas du même avis. Il faudra compter sur une diminution des affichages, et donc des revenus, si l’article 5 est appliqué comme dans le règlement.

Revendications

  • Les associations demandent à la Ville de Bienne de créer un environnement favorable au secteur de l’économie (art. 94 Cst., 50 CC). Les constitutions fédérales et cantonales doivent impérativement contenir ces dispositions.
  • Les associations demandent la suppression de l’art. 5 du règlement sur la réclame (RR) relatif à la conception bilingue : « Toutes les réclames doivent être conçues dans les deux langues officielles, conformément au principe du bilinguisme consacré par la Constitution cantonale et pratiqué à Bienne. ».
  • Les associations revendiquent un bilinguisme volontaire et insistent sur la liberté d’expression et la liberté artistique lors de la promulgation du règlement sur la réclame.
  • Les associations appellent le Conseil de ville de Bienne à rejeter le règlement lors de son conseil du 26 avril en raison de cet article 5 controversé et appellent en outre la population biennoise à voter contre le règlement sur la réclame sous cette forme le 18 juin. 

Cadre juridique
La Constitution fédérale suisse garantit expressément la liberté artistique. Elle garantit les libertés d’opinion et d’information (art. 16 Cst.), la liberté des médias (art. 17 Cst.) ainsi que la liberté économique (art. 27 Cst.). Dans le secteur de la publicité extérieure, la liberté économique est particulièrement importante : avec d’autres droits fondamentaux, elle garantit la liberté de communication sociale, politique et commerciale. Ces droits fondamentaux ainsi que les autres dispositions de la Constitution relatives à l’économie (art. 94 ss Cst.) reflètent le choix du constituant en faveur d’un ordre de la communication et des médias ouvert sur les plans social, économique et technologique. Le nouveau règlement municipal sur la réclame doit être remis en question et justifié dans ce contexte.

Références aux bases juridiques
Art. 17 Cst. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr#art_17
Art. 27 Cst. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr#art_27
Art. 94 Cst., 50 CC https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr#tit_3/chap_1/sec_3
Art. 94 ss Cst. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr#art_94
 

Différence entre le multilinguisme individuel et institutionnel
La Suisse se distingue par son multilinguisme. La maîtrise de plusieurs langues est un aspect central de l’identité et s’avère souvent nécessaire pour la communication. La Suisse partage cette particularité avec de nombreux autres territoires en Europe et dans le monde. Le multilinguisme institutionnel en Suisse se rapporte principalement aux institutions de la Confédération ainsi qu’aux cantons et aux unités administratives de Fribourg, du Valais et de Berne. Le canton des Grisons est le seul en Suisse à posséder trois langues officielles (l’allemand, le romanche et l’italien). Le district fribourgeois du Lac/See, l’agglomération de Fribourg/Freiburg et la région bernoise de Bienne/Biel sont des régions individuellement bilingues. À Bienne, l’allemand et le français sont reconnus comme langues officielles équivalentes (population permanente et non permanente par langue officielle : 57 % de germanophones et 43 % de francophones. Source : registre des habitants de la ville de Bienne, 1er avril 2020).

La publicité agit en s’adressant directement à son public, en plusieurs langues. Les associations estiment que les campagnes publicitaires s’adressent souvent à un groupe-cible en particulier, et ce public peut parler la langue locale ou une langue étrangère. La publicité cherche à susciter des émotions, et ce, en quelques secondes. Pour ce faire, elle s’adresse parfois de manière explicite à un groupe linguistique (par ex. sensibilisation des minorités de langue étrangère, slogans publicitaires familiers tels que « Steak that » ou « Welcome back »). 

Les associations encouragent le bilinguisme volontaire
L’engagement volontaire des associations a déjà permis d’obtenir de considérables résultats en termes de représentation proportionnelle des langues dans les régions multilingues dans la publicité. Voir l’exemple d’APG|SGA : l’entreprise recommande à sa clientèle publicitaire de fournir au moins 30 % du contenu de ses campagnes publicitaires pour Bienne en langue française, car environ 40 % des habitants de Berne font partie de la population francophile. Ce pourcentage est consigné dans le système de réservation et a permis de réaliser d’importants progrès depuis sa mise en place. On observe des différences flagrantes entre la planification de la campagne bilingue de 2001 et 2021. Aujourd’hui, les annonceurs sont nettement plus nombreux à s’engager pour le multilinguisme dans toute la Suisse. Le travail de sensibilisation et d’information mené par le service de conseil à la clientèle d’APG|SGA, ancré localement à Bienne, mène les annonceurs nationaux et internationaux à miser davantage sur des messages publicitaires percutants en deux langues, avec un placement géographique spécifique.

Conséquences
Il convient de noter que les principes de bilinguisme ancrés dans la Constitution cantonale et en vigueur dans la ville de Bienne sont conçus en premier lieu pour l’univers institutionnel et ne s’adressent pas aux annonceurs privés. L’avis de la ville de Bienne, selon lequel les publicités (pouvant exclusivement être affichées dans les deux langues officielles) favorisent le bilinguisme, est simpliste et va à l’encontre de l’expérience économique. Les grands donneurs d’ordres sur le marché de la publicité, comme les marques de luxe, le commerce de détail, les télécommunications, l’industrie automobile, les assurances, etc., auront désormais plutôt tendance à éviter Bienne qu’à créer une affiche bilingue supplémentaire exprès pour la ville. Les charges supplémentaires engendrées par la traduction et la mise en page s’avèrent également désavantageuses sur tous les plans pour les PME. Le nouveau plan d’affichage pèserait nettement plus lourd sur le budget des petites entreprises et prestataires de Bienne et de son agglomération.

Résumé

  • Les bases juridiques garantissent aux annonceurs dans l’espace public la liberté d’opinion, des médias, d’information et la liberté économique. La ville de Bienne doit s’acquitter de cette obligation et agir en ce sens. Il s’agit donc de mettre en place une réglementation de la publicité ouverte à la créativité et au multilinguisme.
  • Il convient de souligner qu’APG|SGA est un concessionnaire qui parvient déjà à travailler avec un mélange d’affiches en allemand et en français, et peut le prouver dans son système.
  • Comme le suggèrent les expériences réalisées jusqu’ici, l’utilisation parallèle de plusieurs langues est bénéfique à plusieurs titres pour la société, les autorités, l’économie, les cercles culturels et aussi les associations. En ce sens, un concept d’affichage équilibré pour l’encouragement volontaire du multilinguisme, tel qu’il existe déjà aujourd’hui, serait plus que souhaitable pour les associations.
  • Des solutions de publicité extérieure innovantes et économiques ainsi que la possibilité de réaliser des messages créatifs représentent une plus-value pour les donneurs d’ordres commerciaux et culturels et pour la ville de Bienne, dans le respect des droits fondamentaux.